Le vent soufflait sur la plage, balayant la raz-végétation qui poussait si près du courant marin. La mer s’étendait jusqu’à l’horizon, belle, bleue et lézardée d’ombres ; son ressac trempait le sol sablonneux de cet endroit sauvage, s’aventurant jusqu’aux pieds de ma monture. Les bâts emplis de pots de  miel et de plumes. Je regardai l’Astre Diurne se lever, au loin, sur cette ligne qui délimitait pour moi le visible de l’inconnus, de l’infiniment grand.
    Un battement d’aile connu, je tournai la tête, découvrant un volatile se poser sur une branche proche. Je portai la main à la corde de mon arc, qui traversait mon thorax de l’épaule gauche à la hanche droite, faisant glisser le bois obscur qui en constituait le manche de mon dos, bandant la corde et encochant silencieusement une flèche, visant ma proie. Je décochai le trait, la corde claqua, le projectile siffla en l’air… Et l’oiseau s’envola, laissant derrière lui une trainée de plume morte… Ma flèche plantée dans le tronc de l’arbre qui se trouvait derrière lui. Maugréant contre moi-même, je talonnai mon équin, lui faisant prendre le trot, avant de me baissée depuis ma selle pour prendre les quelques plumes et récupéré ma flèche, qui étonnamment revint sans trop de mal. Pas un bon jour, décidément…
    Les rangeant avec les autres et remettant mon arc, je talonnai ma monture, qui prit le galop, en direction de la colonie, où il restait encore à faire. Soulevant des jappes de sable et imprimant dans le sol meuble ses empreintes – effacées aussitôt par le ressac de la mer – il continuait fidèlement sa course, jusqu’à ce, qu’au loin, se dessinent quelques toits, d’où sortaient des nuages de fumée. Le Cor du Levé n’allait pas tarder à sonner le glas du sommeil, et déjà, la frégate était à quai, les voiles prêtes à être hissées. Comme d’habitude, Lanféar n’avait pas perdu de temps.
Nous prîmes d’un pas plus lent la direction de ma demeure, où, déjà, les animaux patientaient en silence. Titus, Mykie et Bouboubou frétillaient d’impatience que leur enclos soi ouvert, pour aller batifoler dans les eaux larges de la mer. Je descendis de selle alors que ma monture n’était pas encore stoppée, et je me dirigeai vers la sellerie, prenant à mon ceinturon le trousseau de clefs, la serrure cliquetant lorsque je fis tourner l’objet en elle. La porte grinça sur ses gonds, et j’attrapai rapidement l’harnachement de la charrette, avant de ressortir, sanglant comme il se devait l’équidé, rangeant sa selle de monte sur son support de bois. Refermant la pièce, je saisis mon ami à la longe, avant de le guider vers le port, les dizaines de sacs de provisions ballotant lorsque les roues rencontraient une pierre.
Arrivée au quai, je déchargeai les sacs de toiles, les jetant dans la partie de la cale que Lanféar m’avait aimablement laissée. Cinq degrés Céleste s’écoulèrent de ce temps de dur labeur, avant que nous ne retournâmes chez moi, que l’harnachement ne retourne à la sellerie et que la charrette ne soit remise dans la grange.  Je ramenai alors ma monture dans le coin des animaux de l’embarcation, trouvant tous les animaux de mon ami, reconnaissant les ours et le lama, les caressant furtivement avant d’attacher Météore dans une partie de la cale ressemblant à un box – tous les animaux étaient, de toute façon, dans des sortes de box. Je retournai à l’exploitation, ramenant les bovins, puis les chiens. Les poules et les faucons furent amenés en même temps, mis dans des volières à part. Je retournai une dernière fois chez moi, ouvrant le barrage qui menait à la mer, mes dauphins y sautant gaiement, rejoignant d’une nage vive les pourtours de l’embarcation, alors que je leur courrais après depuis la rive.
A peine arrivais-je à la frégate que mon amie y était déjà, attendant. Je pris de l’eau dans mes mains, la regardant s’accouder joliment à la barrière qui nous empêcherait de tomber par-dessus bord. Me faufilant discrètement à côté d’elle, je lui jetai l’eau au visage, avant de monter sur le bâtiment et de jeter un dernier regard aux animaux, avant de fermer la porte qui menait à eux, priant pour que les hublots suffisent à leur apporter de la lumière.
Je me dirigeai vers Lanféar, qui regardait déjà la carte et la boussole.
_ On lève les voiles matelote ?
Lui demandais-je en la regardant, me retenant de rire.

_ Matelotte c'était pas méchant... Au moins...
Grommelais-je en m'éloignant sur le pont, attrapant les cordes, commençant de hisser la grande voile. Le tissu crène claqua lorsqu'il capta le vent, qui justement soufflait au Sud, avec, peut-être, un léger affluent Sud-Ouest, mais pour le moment entièrement négligeable. Ayant mis en place l'attache, je sautai contre le mât et m'y hissée haut, regardant la colonie s'éloigner rapidement, le vent portant de vive voile l'embarcation au-dessus des flots.

Mes jambes serrées autour du mâts et un bras restant du côté opposé de mon corps, je pu lâcher une main, cherchant dans ma poche la pomme que j'avais pris soin d'emporter, mordant à pleine dents dedans en regardant l'horizon plat... Mélancolique. Les dauphins suivaient l'embarcation avec entrain, leur nageoire dorsales sortant de l'eau lorsqu'ils venaient respirer à la surface, leur souffle puissant faisant jaillir un petit geyser d'eau. Le fier étendard de notre colonie claquaient au vent, et je réussis à saisir la barre de bois qui soutenait la voile, m'y asseyant en m'adossant au mât, une jambe pliée sur le support et l'autre pendante dans le vide...
J'inspirai et expirai doucement, terminant mon petit-déjeuner, avant de jeter le trognon derrière moi, le regardant chuter jusque sur la tête à Lanféar, y rebondissant pour tomber à l'eau. Je ris le plus discrètement possible, l'air de rien... J'avais beau être en sécurité ici haut, si un fauve 'mattendait en bas j'attendrais un bon moment avant de retoucher le pont.

Vous partez en colo ?

Je vois que Saphir, très bonne écrivaine, est là !