Une planète emplie de rêve de prospérité, loin de cette Terre déchue sous le règne humain… Quelle place laissait-on à la Nature ici ? Aucune, si ce n’est celle de victime… Victime de la cupidité meurtrière des hommes qui les conduits aujourd’hui plus rapidement que jamais à leur perte… Juste vengeance… Le revers de la médaille est douloureux, mais tellement mérité…
Et pendant que je me perds dans mes pensées, mes jambes ne cessent leurs mouvements précipités, et je dévie juste à temps ma trajectoire pour ne pas percuter un piéton, qui me regarde passer avec un air hébété… Quelle idiote, pourquoi n’avais-je pas compris qu’ils ne m’attendraient pas ? Me voilà dans de beaux draps maintenant… Essoufflée mais quand même obligée de continuer. Mais j’ai beau courir, il me semble que cette maudite ville – base de destruction de l’environnement – s’étend à l’infini et que je n’atteindrai pas mon but… Mais je ne peux… Je ne veux me résigner à abandonner… Pas maintenant… Jusqu’au dernier souffle je courrai après cette Destinée nouvelle qui s’offre à moi.
Au loin, enfin, apparaît l’ombre de la délivrance, sur la bande d’horizon clair de ce calme matin. L’air est frais, et moi je suis quand même brûlante et en sueur. Il fait beau, même si la pollution crée un nuage pestilentiel qui cache en partie le Soleil… J’ai l’impression qu’il pleut tellement je suis mouillée… Et je cours toujours après cet Inconnu qui manque de partir sans moi à tout instant. Et je prie… Je prie aussi pour ne pas avoir oublié mon billet.
Presque midi et demi, et déjà, au quai, on annonce le départ dans quelques minutes. Je trouve un contrôleur et lui présente mes papiers, il court maintenant avec moi pour me conduire à destination… Et il espère qu’il ne sera pas trop tard…
Nous arrivons, le coup de sifflet allait être donné, mais il arrive à l’en empêcher, et me laisse haleter péniblement derrière lui, pliée en deux comme une belle idiote qui c’est lamentablement oubliée.
Chef de Gare : _ Prenez l’ascenseur là-bas et arrêtez-vous au second étage. Cinquième porte à gauche…
J’acquiesce, et je m’exécute, montant dans l’habitacle de verre, lui commandant de me mener au second étage. Le sol décolle légèrement de sous mes pieds, et me voilà déjà arrivée alors que j’ai à peine eut le temps de réaliser. Je me rends péniblement à ma chambre et y pénètre, fermant derrière moi, découvrant quelque chose de minimaliste mais fonctionnel… Je regarde alors par le hublot, et entends le fameux coup de sifflet, ici équivalent d’un bourdonnement de mouche. La totalité de l’engin ce met alors à trembler, et je sens une force incroyable me clouer sur mon lit, m’empêchant tout mouvement, m’enfonçant dans le matelas, heureusement moelleux et large.
Tout se calme soudain, et je peux reprendre plus amplement mon souffle, qui jusque là avait été difficile. Un tintement sort alors d’un haut-parleur, et je le regarde, me demandant bien ce qu’il va pouvoir en sortir.
Voix : _ Bienvenue à bord de la navette spatiale 2304-XL à destination d’Exolandia. L’équipe de navigation vous souhaite un agréable séjour à bord. Je souris… Ma destinée se tracera au fil des jours suivants…
Saphir DarkenEyes… 13 ans… A moitié morte de fatigue mais heureuse d’être arrivée à temps. Je souris à cette pensée si agréable, mes yeux se fermant pour retenir quelques larmes brûlantes… Incendiaires comme la déferlante qui balaye mon âme. Je sens au plus profond de moi les effets bienfaiteur de cette sensation de liberté accrue… Ce 16 Mars 2304 signe le début de ma nouvelle vie… Et j’espérai qu’elle me serait plus profitable que la précédente.
Je me regarde, vêtue de mon accoutrement habituel, me rendant vite compte que je n’avais pensé qu’à prendre un seul change… Cela n’allait pas encore aller pour le mieux dans le meilleur des mondes… Et cela m’apprendra aussi à être aussi tête en l’air. Mes baskets noires choient à terre quand je les enlève, et j’époussetai d’un revers mon jean d’encre, couvert d’une poudre blanche étrange qui s’en va en un petit nuage. Je vérifie mon pull sans manche, qui n’est pas encore trop arrangé. Je regarde l’heure à ma montre digitale, couleur océan, neige et argent… 13H00… Et mon estomac gronde à l’idée que je n’ai pas encore mangé. Je sors alors de mon baluchon un petit sandwich et un paquet de chips pris en vrac dans l’armoire de mon ancienne demeure. Je m’assoie en tailleur sur la couette et commence de manger, regardant par le hublot pour voir ce noir sidéral et cette Terre… Invisible sous un nuage noir... Elle devait être si belle dans les Temps Anciens, cette bonne vieille planète.
Je ne sais pas trop dans quoi je me suis embarquée… Mais il est trop tard pour reculer. Et j’espère du plus profond de mon être que je ne serai pas obligée de regretter… Que cette navette ne nous mène pas vers une autre sphère de vie toute aussi polluée.
On toque alors à la porte, et on entre… Le contrôleur me regarde en souriant.
Contrôleur : _ Bonjour… Contrôle des billets s’il vous plait…
Je me lève, laissant mon repas sur mon lit, fouillant dans mon baluchon pour en sortir mes papiers, les lui donnant, lui composant ce qu’il fallait avant de me les rendre.
Contrôleur : _ Merci et bon appétit.
Et il s’en fut en refermant la porte…
Anxieuse, j’essayai de l’ouvrir… Fermée, comme je l’avais laissée. Avait-il un double où une carte ? Peu importe, le principal est qu’elle soit close. Je retourne à mon déjeuner, le terminant rapidement, jetant les déchets dans la poubelle avant de prendre mon ordinateur portable, de le brancher sur le secteur et de l’allumé… Une fois initialisée, je pu lancer le programme qui me tenait tant à cœur…
16 Mars 2304,
Après avoir faillit manquer le départ, je ne peu que m’estimer heureuse d’être ici, à bord de cette navette. La 2304-XL, pas la plus luxueuse ni la plus massive, mais la plus rapide et la moins chère, sans conteste. Je n’ai plus un €uro en poche, mais dans les brochures explicatives, ils expliquaient qu’ils ne fallaient rien emporter avec nous si ce n’était quelques vêtements et quelques souvenirs de petite taille…Pas d’argent, pas de télévision et autre… Pas d’ordinateur fixes non plus, mais les portables sont tolérés… Quoi qu’ils ne doivent pas excéder une date d’ancienneté depuis plus de six mois et possédé la dernière biotechnologie de fonctionnement… C’est assez strict mais si Exolandia ne veut pas finir comme notre bonne Terre, il faut mieux prévoir que guérir…
Dans trois jours, nous atteindrons la planète nouvelle… Je ne sais ni le nom de l’endroit de l’atterrissage ni ce que je devrai faire après, mais j’ai le temps d’y réfléchir… Et puis même, je pourrai faire comme j’ai toujours fait, y aller à l’instinct… Ce dernier ne m’a jamais vraiment trompé, j’espère qu’il continuera sur sa lancée…
<< Aujourd’hui en Conôhor,
Sonnent au loin les Cors
De la Déchéance,
Qui signent la fin de l’Echéance.
Paix Fraternelle,
Utilise tes Ailes,
Et envoles toi avec moi par là,
Advienne que pourra…>>
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Que dire et que penser ? J’ai dormis deux jours sans me réveiller… Qu’ais-je bien pu manquer ? Où en somme nous ? Atteindrons nous Exolandia avant la nuit ?
Je reste assise sur mon lit, mon peu de bagages pliés, prête à débarquer. Je ne vois rien d’autre que cet infini univers par le hublot, et quelques étoiles qui brillent aussi, bien loin de là. De nouveau le tintement sort du haut-parleur, et je fixe mon attention sur lui.
Voix : _ Mesdames, Messieurs… Pour assurer votre sécurité, la CNI vous demande de ne pas quitter vos cabines avant la fin de l’atterrissage. Un autre message vocal vous sera transmis lorsque vous pourrez sortir et débarquer sur Exolandia.
Un pressentiment certain, peut-être bien inutile… Mais je me couche quand même dans mon lit, m‘enroulant dans les couvertures, patientant…
Les secondes deviennent alors des heures… L’impatience me tient comme la douleur tient un membre blessé. Et toute conscience disparaît alors derrière un flot insurmontable de rêves et autres songes des plus… Etranges…
Une heure s’écoule, et je crois à une bonne blague du commandant de bord… Le plancher des vaches commence à me manquer, je n’aurais jamais cru que le sol d’une planète puisse tant me manquer.
De nouveau, ce tintement résonne dans ma tête, et je sors de la torpeur mentale qui m’avait prise, me demandant un cours instant où je suis.
Voix : _ Nous venons d’atterrir sur Exolandia… Veuillez rejoindre le quai de débarquement. Nous espérons que vous avez passé un agréable voyage à bord. Bon séjour.
Je me lève, mettant la bandoulière de la sacoche de mon portable à mon épaule, prenant au pas de course la direction du quai, trouvant une longue queue devant la porte. J’en profite pour sortir mes billets, n’osant pas encore imaginer ce que j’allais voir au-dehors.
Vient alors mon tour, et le contrôleur me sourit.
Contrôleur : _ Agréable séjour ici jeune fille.
Je lui rendis une salutation du chef, descendant les marches du grand escalier qui avait été amené devant la navette… Regardant avec émerveillement ce qui se trouve tout autour de moi…
Un aéroport comme tant d’autre de là où je viens. Une certaine déception, car il n’y a rien de bien spécial pour le moment. Je suis tirée de mes pensées par une hôtesse.
Hôtesse : _ Saphir DarkenEyes ? C’est bien vous ?
J’acquiesce, et elle me demande de la suivre. Je lui emboîte le pas sans regarder où elle m’emmène, le baluchon sur l’épaule et la sacoche au côté.
Nous pénétrons alors dans le grand bâtiment, dont les matériaux ne sont pas plus sophistiqués où naturels que ceux de ma contrée originelle.
Hôtesse : _ Patientez ici… Je vais vous cherchez les papiers…
* Des papiers ? Quels papiers ?
Je me demande ce que cela signifie… Il n’avait jamais été question de papier et autre… Accueil spécifique. Etais-ce parce que j’étais mineure ? Peut-être… De toute façon ici où ailleurs… Seule pour seule, autant être dans un endroit qui me plait.
La femme revint avec une petite pile de feuille et un grand rouleaux de papier glacé soigneusement roulé.
Hôtesse : _ Je ne me suis pas trompée… Vous êtes bien ici pour emménager ?
_ Oui… C’est… C’est ça…
Je suis un peu décontenancée par le regard qu’elle me jette… Presque pénétrant et inquisiteur… Je n’arrive même pas à rendre mon regard d’émeraude foudroyant pour la dissuader de me fixer avec tant d’insistance… Allez savoir pourquoi.
Hôtesse : _ Donc je vous demanderai simplement de signer, le reste des papiers sera à faire signer au propriétaire animalier de la ville où vous vous installerez…
_ Un… Un propriétaire animalier ? Pardon ?
Hôtesse : _ Dès que quelqu’un emménage ici, il prend possession d’un animal qui l’aidera dans son travail. Vous ne le saviez pas ?
_ N… Non…
* Mais qu’est-ce que j’ai pour bégayer ainsi ?
J’ai envie de me mettre des gifles… Mais devant une femme ce ne se fait pas. Je n’ai pas envie qu’elle me prenne pour une folle. Je signe rapidement, et elle me tend une petite bourse de cuir et une ceinture.
Hôtesse : _ Voici vos cent cinquante exos, la monnaie de la planète. Essayer de les économiser. Je vous confie cette carte, qui vous aidera dans vos voyages.
Je prends ce qu’elle me tend, mettant la ceinture dans les accroches de mon pantalon lavé du matin pour ne pas être encombrée de la bourse. La pile de papier, je la mets dans ma sacoche, à côté de mon ordinateur, et prend la carte à la main, sortant par la seconde porte en saluant la femme.
Je me retrouvai alors dans un endroit pour le non moins mystérieux. Une grande forêt vierge, avec des arbres mesurant au moins… Bien dix mètres de haut, voir la cinquantaine pour les plus grand. Leurs feuilles sont bien vertes, les troncs robustes et larges. Seul un sentir, bien frêle au milieu des géants, ose s’aventurer entre les habitants des lieux. Je déplie la carte, cherchant la position de l’aéro-fusée…
Bierville… Voilà donc où je suis… Mais où aller ? Il y a tant et tant de villes, d’endroit… Une indication me détourne alors de mon souci d’orientation. « Cf copie explicative. » …
Je m’assoie contre le mur, sortant de ma sacoche le paquet de copie. Après quelque recherches, j’arrive à trouver le paquet ce nommant « Approche par un Intermédiaire d’une Démonstration Explicative. » J’ouvre le livret retenu par une agrafe, en haut à gauche, et vois alors les premiers textes, de gros blocs relativement impressionnants… Ma lecture commence alors, et je crois bien que je n’en suis pas sortie…
Imaginons que par un hasard quelconque qui vous pousse, vous tombiez sur une cité côtière du nom de Waterville. Vous demandez alors à l’éleveur du coin s’il a un ours pour vous aider dans vos mines, il vous répondra que non.
Si le hasard vous emmène plutôt dans les plaines où les montagnes, il sera alors impossible de trouver des dauphins.
Ces deux exemples vous montrent donc que, selon la ville où vous désirez vous installer, vous ne pourrez pas exercer n’importe quelle profession. Par exemple pêcheur en montagne ou mineur près de la mer. S’offrent alors à vous deux choix :
- Soit vous choisissez une ville pour son activité, son commerce et sa popularité, vous contraignant à prendre un métier qui n’était peut-être pas dans vos préférences.
- Soit vous trouvez une ville qui peut accueillir le corps de métier dont vous voulez faire partie, et vous négligerez alors les précédents arguments.
Ce choix vous est entièrement donné, et où que vous alliez votre animal vous sera donné gratuitement par le gouvernement Exolandais, et la commune vous offrira une parcelle de terrain vague et une tente.
Après avoir aborder la question de la praticabilité des territoires pour les métiers, présentons ces derniers :
- Eleveur de Sangliers : Un agriculteur qui vit avec son sanglier et cultive diverses variété de céréales. Peut dresser son sanglier pour qu’il ramène des truffes.
- Eleveur de Vaches : Un agriculteur qui vit avec sa vache et cultive diverses variétés de céréales. Récolte le lait de sa vache.
- Eleveur de Lamas : Un agriculteur qui vit avec son lama et cultive diverses variétés de céréales. Tond la laine de son lama.
- Eleveur de Poules : Un agriculteur qui vit avec sa poule et cultive diverses variétés de céréales. Récolte les œufs de son gallinacée.
- Tailleur de Pierre : Vit avec son faucon et exploite divers gisement de pierre, de puits d’eaux et de champs de paille. Peut dresser son faucon à ramener des seaux d’eau.
- Mineur : Vit avec son ours et exploite diverses mines de différents minerais. Peut dresser son ours à rapporter des seaux d’eau.
- Chasseur : Vit avec son chien et exploite divers terrains sylvicoles avec différentes espèces d’arbre. Peut dresser son chien à la chasse au gibier.
- Pêcheur : Vit avec son dauphin et exploite divers bassins piscicoles, avec différentes espèces de poissons. Peu dresser son dauphin à ramener des cabillauds.
Chaque corps de métier à ses avantages et inconvénients. Mais cela, seule l’expérience vous apprendra comment gérer correctement votre exploitation, car il n’y a pas, à ce jour, de manière meilleure qu’une autre.
Lorsque j’en arrive à cette fin, l’Astre Diurne ce couche déjà sur l’horizon. Je me relève, commençant de marcher sur le sentier, continuant de lire la description des différentes villes… Jusqu’à trouver une cité toute jeune, encore peu habitée, qui est décrite par quelques mots seulement : « Beaucoup d’enthousiasme de la part des habitants. Activité assez dynamique. Marché en pleine expansion… ». Une ville, pour ne non moins au nom attirant et à la description alléchante. Pour moi, le choix était fait. Priène allait être la cité où j’irai m’installer…
Je sortis alors la carte, cherchant la nouvelle cité côtière… La trouvant de l’autre côté de la frontière des Pays-Hertz, en Arcanie. Pour rejoindre cette petite cité, il allait me falloir au moins cinq jours de marche à pieds, car il fallait descendre le long de la rive droite du fleuve qui passait par Bierville, pour arriver vers le centre du Pays-Hertz avant de dévier à l’Est par un long sentier qui m’amènerait à la côté, qu’il faudrait que je longe toujours vers l’Est pour trouver le petit bourg…
* La marche risque d’être longue…
Songeais-je en rangeant tout les papiers dans ma sacoche, calant la carte entre mon ventre et la ceinture, près de la bourse d’exos.
Le premier choix fut mien, choisir la ville avant le métier… Peut-être la solution la moins axée sur le travail, certes, mais aucun métier ne m’inspirait pas plus qu’un autre… Je ne m’étais encore jamais posée la question de « Que faire quand je serais grande ? » avec sérieux… Je me trouvais bien dans l’embarra, et surtout l’idée de travailler à mon âge ne m’étais jamais venue… A qui viendrait-elle, d’ailleurs ?
Je change mon baluchon d’épaule, le poignet droit douloureux et engourdi. La nuit est tombée, et un vent frais commence de ce lever… Je n’ai pas envie de dormir… Mais progresser en pleine nuit est-il un choix judicieux ? Surtout que je débarque dans le parfait inconnu.
* Il faut continuer…
Ais-je de toute façon le choix ? J’en doute…
Mais voir cette végétation ravivée, belle et dense me mets du baume au cœur. Dans chaque fourré, j’entends les bruits de petits animaux se promener ; dans chaque arbre, j’entends des ronflements et des petits bruits de feuilles, partagés entre sifflement du vent et la virevolte de certains êtres des bois.
L’Avenir me tendait les bras… Ne manquait plus qu’à y courir pour m'y blottir.
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La nuit est ici très sombre… Forcément, moi qui suis habituée au lampadaire et autre source de lumière… Me voilà servit en ombre ! Mais cela n’est pas plus mal, la solitude et l’obscurité… Je les aime toutes les deux. Le calme, le silence, l’absence de sensation visuelle au-delà de quelques mètres en avant de soit, et l’Astre Nocturne qui éclaire suffisamment, mais sans trop en révéler… Tant et tant de mystère que j’aimerais tant à découvrir tout de suite, mais auxquels je ne peux allouer du temps si précieux pour rejoindre la petite cité côtière.
Le sentier semble disparaître petit à petit, envahi par des herbes folles. Un écureuil me coupe la route, et je le regarde grignoter en plein milieu du chemin un petit gland, m’agenouillant pour mieux le voir. Il est semblable à ses cousins de la Terre… C’est étrange mais tellement familier que ça me fait quand même sourire. La petite bête repart alors en courant, le vent qui venait de virer de bord lui ayant sûrement apporté mon odeur. Je me relève, reprenant mon chemin à travers les troncs qui ne cessent de m’impressionner, laissant des ombres passer de branches en branches, lâchant parfois des colis qui tombent parterre… Où sur ma tête…
Le bruit rassurant des flots commence de se faire entendre, et je souris… Je ne me suis pas égarée. L’Astre Diurne débute sa montée derrière une grande chaînée de montagnes, l’obscur horizon sinueux prenant une légère teinte rouge-orangée.
Le bruit peu à peu se rapproche, et je sens bientôt que l’air se rafraichi, s’emplissant d’une onde pure. Et bientôt, le milieu aqueux m’apparaît, courant dans le sens inverse que celui dans lequel j’allais continuer ma route… Je ressors ma carte, vérifiant que j’allais suivre le bon torrent… Apparemment oui… L’autre ne sortait pas d’une forêt. Ce que je ne vis pas la veille, c’est qu’une ville se trouvait sur mon chemin… PolderCity…
_ C’est à partir de là que je devrai aller plein Est…
Je souffle dans le vent ces quelques mots, qui s’envolent au bon gré des courants aériens. Ma marche reprend alors, pas à pas, comme degré par degré l’Astre Guide se lève de l’ombre…
Le sentier disparaît pour de bon, cela fait maintenant une heure environ que j’ai commencé de longer ce grand torrent au flot tumultueux. La lumière de feu s’épand sur le paysage, donnant ses mêmes tons enflammés à tout ce qui se trouve devant et derrière moi, créant sous mes pas mon ombre, reflet ténébreux de mon être.
Des bruits de sabots venant de l’arrière, je me retourne… Mais trop tard… Quelque chose me percute de plein fouet, m’envoyant promener sur le côté, manquant de me jeter à l’eau. Mon esprit est perturbé, complètement déboussolé par le choc… Je me retrouve à plat ventre, le nez dans l’herbe dense et grasse, la respiration haletante. Plus un bruit autour de moi, je me redresse donc sur mes bras, sortant mon visage de se bourbier de terre humide, découvrant quelques petites égratignures causé pas des brins opportunistes. Quelque chose vient alors me soulever, me mettant assise, me tenant contre son corps.
Inconnu : _ Ca va aller ?
Mon regard se détourne d’un point lointain pour plonger dans celui d’un jeune homme… Je vois un peu flou et double… Ma tête semble contenir mon cœur qui bat à tout rompre. Une main se pose sur mon front, et je vois l’homme me glisser un peu d’eau entre les lèvres par le goulot de sa gourde.
Inconnu : _ Bois un peu, ça te fera du bien…
Dit-il d’une voix qui me parut… Lointaine… Il fallait que je sache…
_ Qui… Qui êtes-vous ?
Inconnu : _ Un messager… Je m’appelle Kélios. Et toi ?
_ Saphir…
Kélios : _ Et où tu vas comme ça ?
_ A…
* C’est quoi ce nom déjà ?
Ma tête me faisait un mal de chien, ma main droite monta à mes tempes, mes yeux se fermant pour tenter de contenir la douleur en recouvrant un minimum mes esprits.
_ A Priène…
Il semble surpris, mais ne me lâche pas.
Kélios : _ C’est loin ça…
_ Je… Je sais… Je fais… Halte à… A PolderCity… Avant…
Kélios : _ PolderCity ? C’est là que je vais… Tu veux que je t’y emmène ? Hey ! Saphir…
Ma tête me lançait trop, j’étais trop faible… Je sentis mes force s’envoler comme un oiseau libre, mon corps s’échouant contre celui du garçon… Et puis, tout devint noir…
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De violentes secousses dans mon esprit embrumé… Mon cœur qui bat dans mes tempes et dans mes oreilles, son battement ayant le rythme et le bruit des tambours de guerre… Mon sang, qui manque de faire éclater mes veines en y circulant douloureusement, avec toujours cette même monotonie… Cette monotonie qui pourtant entretien et constitue la vie…
Cette respiration saccadée, peut-être même, un peu sifflante… cette air, qui brûle si intensément les tréfonds de ma gorge, mes bronches, mes poumons… Je le sens couler comme un torrent de lave jusqu’au plus profond de mes alvéoles… Peut-être même que je le sens passé dans mon sang…
Cette cascade qui couvre mon front… Et cette chaleur insupportable qui me tient la tête et tout le corps… Cette sueur brûlante, me semble-t-il un peu visqueuse, qui dégouline sur mon visage, ayant envie d’aller se loger dans mes prunelles closes… Peine perdue… Cette fièvre semble être le cœur du volcan de douleur qui me tient sans que je ne puisse rien y faire… Ou peut-être…
Un liquide frais caressant mes lèvres, coulant lentement en un fin filet dans ma bouche, puis dans ma gorge, suivant lentement l’œsophage pour rejoindre l’estomac et s’y loger, apportant un brin de fraîcheur dans cet enfer en fusion.
Mes yeux s’ouvrent… Tout est trouble… Suis-je dans l’eau ? Non… Je n’aurais pas si chaud… Quel est cet endroit ? Tout est double... Tout bouge… Certaines choses sont mêmes protéiformes…
Ce contact tiède sur mon front… Et cette couleur… La couleur de la chair, devant moi… Un être… Oui, quelqu’un est là… Mais qui ? Et où suis-je ? Et pourquoi y a-t-il un plafond au-dessus de ma tête ? Je tente un mouvement, y renonçant aussitôt, gémissant quand la douleur ce fit intense. La moindre parcelle de mon cœur était un objet fragile, qui au moindre contact, moindre mouvement, risquait de se briser à tout jamais… J’avais l’impression que même l’air était lourd sur mes épaules… Seule les os de mon crâne semblaient encore intacte… Même si l’endroit était douloureux… Blessure non plus physique mais interne à l’esprit… Pourquoi ? Serais-ce la peur de l’accident ? Je n’en sais rien… Je ne veux pas savoir… Trop de questions dans ma tête… Pas envie de réfléchir… Ai mal…
Kélios : _ Mère… Elle est réveillée…
Cette voix… Je la connais… Mais oui…
Ce brouillard à couper au couteau empêche la recherche d’être simple, mais je trouve sans trop de mal, dans un passé proche, ma réponse…
_ Kélios…
Un cri étouffé termina son nom, et je me pliai en deux, une vive douleur aux côtes.
Inconnue : _ Ohlala ma pauvre petite… Ne bougez pas et ne dite rien, par pitié !
Je me sentis saisis par deux mains douces, qui me remirent sous le dos, haletante et des larmes pleines les yeux.
Inconnue : _ Kélios, va me chercher de l’eau froide et ma trousse de soin…
Kélios : _ Bien maman…
Le jeune homme disparu, et l’autre resta.
Maman de Kélios : _ Tenez, buvez ça… Ca calmera vos douleurs…
Je n’eus guère le choix, le liquide glissant dans ma bouche pour rejoindre l’autre, déjà perdu dans le profond de mon être.
Kélios : _ Tiens maman…
Le garçon revint, et je sentis des pansements être décollé de ma peau, un crissement des dents de la femme ne m’indiquant rien de bon… Une douleur de plus émanant du même endroit, puis un nouveau pansement… Elle était insignifiante… Une de plus ou de moins, qu’est-ce que cela change au point où j’en suis ?
Cinq fois l’opération fut répétée… Cinq fois à des endroits différents… Ma vue devint moins floue et ne fut plus double au bout d’une heure et quelque environ… Ma tête se calma et mes moyens revinrent… Tout ce temps m’eut été utile, et je ne suis pas mécontente d’être sortie de cette détresse.
Je réussis à me hisser sur mes bras, m’adossant à la tête de lit.
Kélios : _ Bas-y doucement… Ton bras a pris un sale coup…
Trop tard… Aucune douleur mais si mal il y avait eut à utiliser mon membre, c’était fait. Je le regarde, bandé de l’épaule au poignet.
_ Où… Où on est ?
Kélios : _ Nous sommes à PolderCity… Tu es chez moi… Enfin dans la maison familiale… Ma mère et guérisseuse. Elle connaît bien les plantes et t’a soigné, même si les médecins sont déjà quelques uns, ils ont beaucoup de travail…
_ Qu… Qu’est-ce qu’il c’est passé ?
Kélios : _ Tu ne te souviens de rien ?
Je fais non de la tête, et lui me regarde, ses yeux inquisiteurs.
Kélios : _ Tu ne te souviens pas ? Vraiment pas ?
_ Non…
Kélios : _ C’est moi qui t’ais percuté à cheval… J’étais un peu trop impatient de rentrer et je n’ai pas pu freiner ma monture à temps… Excuse-moi…
_ Ne t’excuse pas… L’erreur est humaine… Même sur cette planète il peut y avoir des erreurs tu sais…
Il me regarda en souriant, les lèvres serrées, les prunelles emplies de gène à mon égard… En tout cas, il ne m’avait pas loupé… Un grand pansement longeait mon côté gauche, couvrant toute la taille jusqu’au nombril et jusqu’au profil… Je le sentais bien… Une autre plaie, sûrement, au mollet droit, qui lui était totalement couvert de bandages. Et deux pansements plus réduits, un à mon épaule gauche et l’autre sur le côté de ma cuisse droite.
Kélios : _ Tu as faim ?
_ Non… J’aimerais savoir où son mes affaires…
Kélios : _ Juste derrière moi…
Il me montra mon paquet de bagages soigneusement posé sur une commode.
_ Je pourrai repartir quand ?
Kélios : _ tu veux déjà repartir ?
_ Je me sentirai mieux une fois à Priène… Avec les papiers remplis avec toutes les formalités…
Maman de Kélios : _ Ah non ! Vous n’allez pas déjà repartir ! J’ai passé la nuit à tenter de recoller les morceaux !
La femme entra à nouveau, et je pu voir sa tête bien ronde, ses cheveux courts et blonds, ses grand yeux bleus… Emplis d’entêtement.
_ Il faut que je reparte…
Maman de Kélios : _ Tenter de repartir et je vous ramène en vous traînant par les pieds jeune fille !
Je voulais rire, mais je du me retenir. Elle posa alors un grand plateau sur mes genoux, avec entrée, plat chaud, fromage et dessert.
_ Et si vous tentez de me retenir, je vous frappe avec se saumon…
Dis-je en désignant la belle bête qui trônait sur son lit de riz.
Maman de Kélios : _ Frapper une femme à coup de saumon ? Vous ne manquez pas de culot jeune fille !
_ Et vous alors ? Me retenir captive ici n’est-il pas équivalent ?
Elle pâlit… J’ai tapé, et ça à du faire très mal.
_ Je ne renie pas vos bons soins… Mais comprenez que quand je serai installée j’aurais la conscience plus tranquille.
Elle sembla comprendre, sortant le visage bas.
Kélios : _ C’est douloureux pour elle… Mais elle n’a pas à te dire ce que tu as à faire…
_ Tu ne connaitrais pas quelqu’un qui pourrait me conduire à Priène ? Y aller à pieds… Ca me paraît trop long…
Kélios : _ Peut-être que le marchand ambulant pourra t’y conduire. J’ai entendu dire qu’il devait livrer une cargaison de foin… Je l'aurais bien fait moi-même mais mon cheval appartient au service postaux, pas question de l’utiliser à des fins personnelles…
_ Quand part-il ?
Kélios : _ Dans une heure je crois…
_ On peut aller le voir ?
Kélios : _ Si tu t’en sens capable… Ma foi pourquoi pas ?
Je me lève en tremblant, encore peu assurée sur mes jambes, les os de ma nuque craquant légèrement alors que le garçon vient m’aider à marcher, me prêtant son épaule comme béquille.
Ce ne fut une aide que pendant les premiers pas, mon assurance revint après descendu les escaliers, et nous sortons de la demeure, prenant côte à côte le chemin de la place commerçante. Ma sacoche contenant mon ordinateur – par je ne sais qu’elle bonheur encore entier et sans la moindre rayure – pendait de mon côté droit, là où aucun pansement n’était caché sous mes vêtements.
La carriole s’en va justement, et Kélios lui courut après en scandant le nom de la marchande, qui stoppe sa monture.
Marchande : _ Hey bien jeune homme ? Que me vaut l’honneur de ce retard ?
Kélios : _ J’aimerais savoir… Tu vas bien à Priène ?
Marchande : _ Bien oui… Pourquoi donc cette question ?
Kélios : _ J’ai une amie qui aimerait rejoindre la ville… Elle n’a pas de cheval et je me demandais si tu accepterais de l’y conduire…
Je m’approche, et vois son regard se poser dans le mien avec compassion… Le reflet que j’eus de mon visage dans ses yeux me pétrifia… Les traits étaient tirés, et mes yeux surplombaient de grands cernes bleutés.
Marchande : _ Pauvre gamine… T’es venue ici à pieds ?
_ Oui madame…
Marchande : _ Faut être fou pour venir ici à pieds depuis l’aéro-fusée ! Aller monte dans la roulotte gamine… Je n’dormirai point cette nuit. Prends mon lit et reposes-toi. Nous serons à Priène demain matin aux Aurores…
J’échange une bise furtive avec Kélios qui me sourit, m’aidant à monter dans la roulotte, posant mes affaires près de la couche.
Kélios : _ Fais attention à toi…
Une accolade amicale, et il sort pendant que je m’allonge, me faufilant sous l’épaisse couverture m’enfonçant dans le matelas moelleux, avant que je ne tressaute, la carriole étant prise de secousses vives le temps de quelques instants… Et j’entends au-dehors le bruit de la galopade… Devinant que l’étalon a été très sollicité.
Ma tête lourde et pesante s’échoue alors sur l’oreiller, et je plonge au doux pays des songes…
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Le bruit des sabots parvenant à mes oreilles… Puis le doux tintement de métaux s’entrechoquant… La fraîcheur d’un matin apparemment encore bien endormi, mais déjà prêt à accueillir le nouveau flot de vie. Mes prunelles s’ouvrent au Nouveau Monde, découvrant l’intérieur de la carriole plus sombre qu’à mon coucher. Mes bagages sont toujours posés là où je les avais laissés un peu plus tôt, et une lanterne éclaire depuis le dehors l’intérieur du bâtiment roulant. Je me lève, laissant glisser mes jambes le long du matelas, frottant mes yeux et terminant de m’éveiller en baillant et m’étirant bruyamment.
Je me retrouve sur mes deux pieds, marchant vers l’ouverture qui mène à la banquette avant, où la femme siège, fouet et rênes en main. Elle se retourne en me voyant, me souriant chaleureusement.
Marchande : _ Alors gamine, bien dormit ?
J’acquiesce d’un signe de tête et accède à la demande qu’elle me fait de la main, m’invitant à m’asseoir à ses côté en passant par l’ouverture.
Marchande : _ Nous sommes bientôt à Priène… Regarde là, tu as déjà vu une mer pareille, hein, gamine ?
Je tourne la tête vers la droite. En effet, à quelques dizaines de mètres de nous commence l’étendue aqueuse, s’étendant jusqu’à la ligne d’horizon, continuant sûrement davantage.
Marchande : _ Tu as perdu ta langue ?
_ Non non…
Marchande : _ Bah tant mieux… Tiens, mange ça. Va te falloir des forces pour ta première journée !
Elle me tend un petit sac de toile, et je le découvre lentement, trouvant un bout de pain, du jambon et un morceau de fromage. Je commence à manger en silence, fixant de temps à autre l’horizon plat à ma droite, et le massif rocheux, à ma gauche.
Le sentier que nous suivons est sinueux, à l’image des petits chemins de forêt, à deux lignes de terres creusée par les roues des charrettes. Alentours, l’herbe s’étend en tapis dense, apparemment gras et tendre. Le ciel est parsemé d’étoiles inconnues dont il me tarde de découvrir le nom et la constellation. Les forêts bordant le massif rocheux semblent toute aussi imposante que celle que j’ai due traverser il y a peu.
Je bouge à mon malheur un peu trop brusquement, et la douleur se ravive aux plus grandes plaies, me stoppant un court instant dans mon élan… La souffrance est toujours là, même si elle est moins intense.
Je réussis à terminer mon repas, regardant droit devant, sur l’horizon plat, voyant de petit relief se dessiner sur la ligne du lointain qui commençait à prendre des teintes rosées… L’Astre Diurne n’allait pas tarder à ce lever.
_ C’est Priène là-bas ?
Marchande : _ Ouais, gamine… Tu vois, c’est encore qu’un tout p’tit hameau… S’il y a vingt habitants c’est par les foudres des Dieux ! Mais c’est un p’tit patelin bien sympa. Tu verras, les gens sont sympathiques et bons vivants.
Je souris… Que faire d’autre face à ce bon accent campagnard et cette gaieté que je ne peux que lui envier ? Dans sa tenue de voyageuse bariolée de couleurs vives, elle laissait émaner un effluve de bonheur. La simplicité pure dans une femme… Moi qui n’aurais jamais osé croire ça !
Le reste de l’heure se passe sans se bousculer, et les premiers petit pavés de pierre irréguliers mais ô combien singuliers se découvrent sous mes pieds qui touchent terre avant que la carriole ne s’arrête complètement sur une petite place.
Marchande : _ Pour trouver ta bestiole tu connais tout droit et tu prends la deuxième rue à gauche. Tu peux pas te tromper ça sent le cochon jusqu’ici !
_ Combien je vous dois ?
Marchande : _ Rien du toute gamine ! Garde tes sous, c’est précieux dans la vie ici…
_ Mais…
Marchande : _ Je n’fais pas payer les courses des amis… Je dirai à Kélios que tu es bien arrivée, il passera peut-être te voir un jour où il passera par là.
Je souris, ne sachant plus trop quoi faire.
Marchande : _ Aller bouge ton derrière gamine ! Tout ne va pas te tomber du ciel !
Je sursaute, me retournant en fixant la rue qu’elle m’a indiquée un peu plus tôt, prenant mes bagages à bras le corps et prenant le chemin indiqué d’un pas lent, presque las.
Mes yeux se baladent enfin sur les bâtisses de pierres au toit de chaume. Les vitres de verre aux cadres de bois scintillent dans le pâle halo qui s’éveille au loin. Le silence total règne dans le petit bourg, et seul le ressac des vagues sur le sables laisse un son doux emplir le silence, l’air étant légèrement iodé et me rappelant beaucoup de souvenirs de vacances… Enfin, pas tant que ça, en réalité…
Le bâtiment se présente en effet à moi… Et rien ne laisse présager qu’il soit autre qu’un bâtiment d’élevage. Les barrières de bois retenant des sangliers me le prouvent bien plus qu’autre chose… A part peut-être l’odeur. Je m’avance, posant la main sur la serrure en fonte de l’entrée. La porte massive grince sur ses gonds quand je l’ouvre, et je pénètre à l’intérieur du bâtiment, trouvant un homme en tablier, couvert de sang et couteau au poing, en train de se débattre contre un morceau de gibier apparemment réticent. En me voyant il se stoppe, laissant son teint blafard et son tablier sale me faire tressaillir d’inquiétude.
Homme : _ Qu’est-ce que j’peux pour vous ma p’tite dame ?
Demande-t-il d’un accent jovial et bien campagnard.
_ Je… Je viens d’emménager… On m’a dit de venir vous voir…
Homme : _ Ah ouais ! Z’êtes l’une des trois p’tites nouvelles n’est-ce pas ?
_ Je suppose…
Lâchais-je, confuse de ne pas être au courant.
Homme : _ Quel métier vous intéresse-t-il donc ?
_ Qu’est-ce que cette ville propose ?
Homme : _ Ah mouais… Vous n’le savez point ! M’étonne t-y pas… Les mioches connaissent pas l’monde du travail… Tous des fainéants…
_ Si j’étais si fainéante que ça je ne serais pas là je vous signale ! Ne pas avoir d’idée est-il un crime ici ?
Lâchais-je d’une voix sèche, reprenant contenance alors que lui semblait décontenancé.
Homme : _ Ah… Bah vu d’ce point là…
_ Vous ne m’avez pas répondu… J’attends…
Homme : _ Bah y a des éleveurs de sangliers, de vaches, de poules, des chasseurs, des tailleurs de pierres… Ah pi aussi des pêcheurs ! Le commerce tourne pas mal dans les villes côtières. C’est réputée pour le bon poisson ce genre de p’tits blèdes.
* Un statut économique intéressant, en effet… Compte tenu de la production peu coûteuse et du prix de revente des produits pouvant éventuellement être fixé… Et un travail passionnant au cœur de l’eau avec un animal fantastique… Que rêver de mieux ?
_ Et vous avez des dauphins ?
Homme : _ Ouais… C’est mes p’tits princes ! Viendez voir mes belles bêtes…
Le jeu de mot me laissa de glace. Et l’accent ainsi que l’expression qu’il a dans sa voix grasse et portante résonne encore dans ma tête lorsque je franchis le seuil qui nous mène à un grand parc, me laissant voir trois bassins.
Homme : _ Vlà t-y mes ptits chéris ! Là les mâles, ici les femelles, et là-bas les derniers p’tits rejetons. C’est plus difficile à dresser mais c’est beaucoup plus mignons…
Les animaux viennent tous me voir sur le bord des bassins quand je m’y agenouille, et je peux leur flatter le museau sans crainte, les petites bêtes n’étant pas craintives. Leur peau lisse et nue était réellement étrange au touché, froide mais tellement chaude à la fois… Et dire que la vie à horreur des paradoxes. Leur petit yeux noirs sont réellement touchant, et tous font battre mon cœur un peur plus vite… Ils ont l’air si heureux !
Je me relève, allant pour me diriger vers le bassin des bébés, quand l’un d’eux se jette à mes pieds, gigotant en me regardant, me laissant me baisser pour le prendre dans mes mains, souriant.
Homme : _ Hé bé… Ty bien la première fois que j’vois un p’tit si enthousiaste… En ai d’jà vu des grands mais jamais des p’tits…
Je le caresse, le trempant une fois dans l’eau avant de le garder contre moi.
_ On dira qu’il a choisit son Destin…
L’homme sembla comprendre, allant rapidement chercher une charrette portant un grand bac d’eau – de mer ou douce je ne saurais le dire – me laissant plonger le petit dedans.
Homme : _ Passerez ty chez vous récupérer ma carriole ce soir. M’la casser pas hein !
_ Non non…
Je saisis le manche de bois et commençai à tirer, les roues posée sous le petit bac commençant à tourner, traînant péniblement leur fardeau.
Lorsque je regarde le petit animal, il a les deux nageoires posées sur le rebord, la tête hors de l’eau, et il me regarde avec ses yeux malicieux et une sorte de… De sourire amusant.
_ C’est moi où tu prépares déjà un mauvais coup ?
Je lui souffle ses quelques mots, et il pousse un petit cri… Comme pour me dire « Oh oui je vais t’en faire voir de toutes les couleurs ! »…
Par tous les saints… Dans quoi me suis-je embarquée ? Comme le dit l’expression « Advienne que Pourra » il faut laisser au Destin et au Dessein le temps de dessiner leur Dessin… Mais parfois certaines révélations s’en trouvent effrayante.
Ne me manque plus qu’à rejoindre la mairie pour savoir où m’installer. Je rejoins un grand bâtiment de pierre avec un écriteau indiquant l’administration. La décoration à l’intérieure et encore médiocre, mais des flambeaux illuminent tout de même l’endroit. Un comptoir de bois est posé à ma gauche, et une femme semble y tenir des comptes sur une machine à écrire datée, certainement, de quelques dizaines d’années… Un usage particulier respectant l’environnement ? Peut-être… Je m’approche d’elle, et son visage se révèle à moi, une fine paire de lunette sur le nez et ses cheveux bruns lié en un beau chignon.
Inconnue : _ Que puis-je pour vous ?
_ Je… Je viens emménager… Sauf que je n’ai nulle part où aller…
Inconnue : _ Hum… Quel est votre nom ?
_ Saphir…
La fonctionnaire fait alors tourner les feuilles d’un calepin, et me sourit.
Inconnue : _ J’ai vos papiers… Ah, et vous êtes déjà passée à l’animalerie. Si vous pouvez me donner les papiers du dauphin s’il vous plait.
Je lui tends, et elle les range dans un dossier, avant de se lever.
Inconnue : _ Si vous voulez bien me suivre…
Je saisis la carriole à deux mains, la tirant vers la porte par où nous sortons toutes deux, la femme m’ouvrant la voie cahoteuse.
Nous arrivons devant une petite parcelle de terrain vague, comportant trois arbres dont un sapin et ce qui me semble être deux érables… Quoi que le climat maritime ne me semble pas approprié pour de tels végétaux. De plus, un petit lac se tient entre les trois fiers troncs, alimenter par une petite cascade sortant d’une pierre – sûrement un système artificiel camouflé pour plus de beauté -, un petit canal menant directement à la mer, à une centaine de mètre de là. A côté du lac, une petite tente se tient fièrement dressée, et la femme glisse dans une frêle boite aux lettres de bois une étiquette avec mon nom et mon prénom.
Inconnue : _ Bienvenue chez vous… Installez-vous à votre aise. Si vous avez des questions, je suis toujours disponible à mon bureau. Et n’hésitez pas à visiter la ville, les Priénois sont des gens chaleureux.
Un sourire furtifs mais amical, et elle s’en va du même pas calme, me laissant seule avec le petit dauphin, que je regarde droit dans ses yeux d’encre.
_ Tant qu’à faire… Tu veux changer d’eau ?
Il acquiesce de quelques couinement et claquement de bec, me laissant le prendre à bras le corps et déposer doucement dans le petit lac, dans lequel il commence à virevolter, me faisant sourire.
Je dépose mes affaires dans la tente, me rendant compte que malgré les apparences, elle n’est pas si petite, avec un petit poêle à bois, un fin matelas posé au sol avec une couverture et un broc, le tout reposant sur un grand tapis qui semblait servir de moquette. Mes bagages vont directement sur le matelas, et j’enfile une tenue plus légère – ma tenue de sport – avant de courir dehors et de plonger dans le petit lac, tout de même profond d’un mètre ou deux, étant accueillie par le petit dauphin qui s’empresse de m’éclaboussée une fois revenue à la surface.
_ Je crois que je vais t’appeler Titus… Comme le grand Empereur Romain… sauf que toi tu ne persécuteras pas des hommes mais les cabillauds !
Une cabriole avant de sortir de l’eau en surfant sur sa queue, claquant des nageoires comme une otarie. Je ris, avant de me lancer dans les jeux qu’il me proposait d’essayer… Dont une course poursuite perdue d’avance…
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Tu pourrais donner ton ordi à l'administration, il ne va pas te servir à grand-chose sur Exo !
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Belle histoire ! Ca m'inspire tiens !
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