Le vent soufflait dans les Passes Hurlantes, comme de coutume en cette saison. Le vol étant devenu hasardeux, cela faisait maintenant quelques minutes que le jeune homme avait demandé a son étrange monture de se poser sur l'une des falaises des Passes, pour attendre la fin de la bourrasque, que l'on appellait dans les parages une Hurle.
Tranquillement debout a l'extrême bord du précipice, la silhouette hardie de l'homme, qui paraissait relativement juvénile, semblait se pencher pour mieux observer quelque chose au fond de l'abysse.

Celle- ci, qui faisait d'après les estimations des ingénieurs Tengornais envoyés sur place pour en étudier la cartographie il y avait de cela quelques mois près de deux lieues de profondeur, paraissait sans fin, et les petites enclaves qui parcouraient les falaises et qui faisaient crier le vent n'en assuraient nullement la solidité.
Non sans une certaine assurance, le jeune homme revînt sur ss pas, et caressa la trompe de sa monture. Celle- ci, semblable a un Nez- Lefants, ces créatures étranges que l'on retrouvaient en certaines colonies, était de taille plus réduite, arrivant probablement au garot d'un cheval de bonne taille, et possédaient des oreilles demesurées, ainsi qu'un regard plus vif que l'on aurait pu le croire au premier abord.
Dotés d'une grande intelligence et d'une affection sans bornes pour leurs maîtres les EGM, comme on les appellaient scientifiquement, ou plus familièrement les Trompénormément ou encore plus simplement les Nezfants, étaient des créatures très peu répandues en Hertang, du fait de leur rareté a l'état naturel. Dérivés de leurs ancêtres a défenses ivoiriennes, ils étaient peu nombreux, malgré une résistance et une capacité d'adaption exemplaires.

La trompe, douce et d'un gris chaleureux, examina la main du jeune homme avec curiosité, y cherchant la trâce d'une friandise ou d'une blessure, ou de tout autre élément que ces habituels doigts.
Elle fut décue, et partit a l'exploration des vêtements chauds qui couvraient la silhouette, assez haute, qui avaient un port assez étrange, sans que l'on puisse en discerner la raison. Le jeune homme flatta l'encolure avec une affection sincère, puis leva la tête en entendant dans le lointain un cri qu'il reconnaisssaient a bien des lieux de distance. Il sourit, alors que sa capuche était rejetée par une Hurle soudaine, révelant ses traits jeunes et fins, et plus particulièrement des yeux brillants qui révélaient a la fois sa jeunesse et sa malice. Ses cheveux, visiblement peu peignées et dûment entremêlés, lui tombaient en larges mèches sur le front, accentuant l'impression d'ambiguité de son visage, plus jeune que l'on aurait pût le croire tout d'abord.

Djaahk entrerait bientôt dans sa dix- septième année, et les ans ne semblaient pas avoir de réelle prise sur lui. Il leva le bras avec fluidité et accueillit bientôt sur le gant spécial qu'il portait sur le poignet gauche un faucon de grande taille, qui émit encore une fois son étrange cri, dissemblable de celui de ses congénères.
Plus aigue et comme modulée par une émotion, il résonna un moment avant que Djaahk ne murmure quelques mots a l'oreille de l'animal, qui s'envola aussitôt comme en comprenant les directives énoncées. Déployant une ramure impressionante et un plumage habitué aux longues courses, il partit dans les nuages bas qui devenaient menacants.

profitant d'une brusque accalmie du vent, le jeune homme se tourna vers sa monture, qui, sachant le départ imminent, s'avanca d'elle- même en déployant a son tour ses oreilles d'une taille relativement disproportionnée, qui lui donnaient un air pataud sur la terre ferme, avant qu'il ne prenne l'air majestueusement.
Courant vers le précipice, Djaahk sauta, bientôt rejoint par le Nezfant, qui se placa juste en dessous de lui, lui reprochant sa témérité par une série de petits barissements mécontents. Remettant sa capuche, le jeuen homme garda son sourire puis partit dans les vents dominants, dirigeants sa course vers la Cité Commune, la ou tous et toutes pouvaient venir pour parler et se réunir, indépendamment de leurs Cités d'origine.

La Taverne du Continent, l'une des salles les plus populaires, l'accueillerait bientôt, lui et ses nouvelles des Monts de Lumière. Il faudrait bientôt y revenir, mais en plus grand nombre cette fois...